MATISSE, le maître des couleurs.
MATISSE, le maître des couleurs.

MATISSE, le maître des couleurs.

Henri Matisse (1869–1954) a intensément contribué à l’aventure de l’art moderne, dès ses débuts, au même titre que son ami et rival Pablo Picasso. Meneur des fauves, l’art de Matisse est basé sur la couleur, dans une recherche d’équilibre avec l’épure du trait. Il s’est attaché à certains thèmes récurrents, comme le mouvement du corps et la danse. Artiste majeur du XXe siècle, il a innové dans le domaine pictural et sculptural, mais aussi dans le dessin et le collage avec ses célèbres « papiers découpés

                                               “Le devoir du peintre est de donner ce que la photographie ne donne pas”. Henri Matisse.

“Madame Matisse au chapeau “, une huile sur toile de 1905. Cette œuvre fait partie de la “Collection Haas” et se trouve au Musée d’Art moderne de San Francisco depuis 1991.

Le mode de représentation de son épouse est simple, il relève ici typiquement du “Fauvisme” dont Matisse est alors le chef de fil.
Les couleurs sont vives et utilisées pures, sans mélange, ni transformation,les touches vives, rapides sont le reflet du ressenti spontané du peintre face au modèle. On n’a dans cette toile ni effet de profondeur, ni volume.

                                                               “La Terrasse, Saint Tropez” , une huile sur toile peinte en 1904,.

Une œuvre déjà dans son expression, peinte selon le style fauviste qu’elle préfigure.
L’original de cette toile se trouve au Musée Isabella Stewart Gardner à Boston.

Cet été 1904, Matisse a rejoint dans le sud-est, le peintre Signac qui fait partie du mouvement artistique “Le Pointillisme”. Lorsque Matisse lui montre cette toile, Signac critique sévèrement ce travail, sa touche trop large, imprécise selon lui.

L’artiste prend alors très mal cette critique et rentre furieux à la Ramade, son lieu de résidence à Saint Tropez.

Pour le calmer, son épouse Amélie l’amènera alors à la plage, il. peindra alors “Le goûter”, sa première grande toile fauve.

Puis il répondra à Signac “Ma toile, Terrasse à Saint-Tropez, un chef- d’œuvre pour envoyer balader les règles pointillistes”, mais en fait cette période est encore un moment où Matisse cherche encore sa voie.

Cependant, l’hiver suivant dan son atelier parisien en 1904-1905, il peindra “Luxe, calme et volupté”, en hommage aux vers de Baudelaire, cette toile aura toujours une représentation chère au mouvement pointilliste.
Signac lui achètera ce tableau qu’il accrochera dans sa maison tropézienne, la brouille artistique entre ces deux artistes aura donc été de courte durée.

Matisse ne reviendra pas à Saint Tropez, l’été suivant en 1905 il lui préférera Collioure où il retrouvera Derain qui lui reprochera alors de ne pas avoir encore tourner la page pointilliste, tout cependant est prêt à ce moment chez Matisse pour en finir avec ce mouvement et s’engager dans “Le Fauvisme”, dont le peintre sera le chef de file.

“La plage rouge” une huile sur toile que Matisse a peint dans le petit port de Collioure en juillet-Août 1905.
Cette toile fait partie de la collection “The Courtauld Art Gallery” à Londres.

Ce tableau est peint de la fenêtre de l’atelier de l’artiste. A ce moment, il a rejoint le peintre Derain avec qui il travaille à Collioure, peu de personnages sont introduits dans cette œuvre.

À propos de cette toile Matisse écrira : ” Vous vous étonnez sans doute de voir une plage de cette couleur, en réalité elle était de sable jaune. Je me rendis compte que je l’avais peinte avec du rouge. Le lendemain, j’essayai avec du jaune, ça n’allait plus du tout, c’est pourquoi j’ai remis du rouge. “

Matisse pousse alors la peinture à son paroxysme et utilise techniquement une peinture posée en aplat.
Nous sommes totalement dans ce que sera” Le fauvisme”, ce mouvement artistique du début du XXème siècle dont le peintre sera le chef de file.

L’exposition de ces œuvres aura un grand retentissement au salon d’automne du Grand Palais à Paris, à l’automne 1905.
Une sculpture représentant à ce moment un buste d’enfant classique, de style néo-renaissance, se trouve salle VII, au milieu de ces toiles exubérantes,aux couleurs explosives de tons purs.
Le critique d’art Vauxcelles dira alors ” C’est Donatello chez les fauves ” qui deviendra ensuite ” La cage aux fauves “, ainsi naîtra” Le fauvisme. “

Trente neuf toiles dont celles de Matisse créent alors le scandale par leur excès de couleurs violentes, illustrant une nouvelle construction de l’image par la couleur.
Derain, Vlaminck exposent aussi dans cette salle, Derain dira” Faire de la couleur, une nouvelle matière.”

La déconstruction de l’espace assortie de couleurs violentes dans l’art de peindre initient les principes du fauvisme qui sera reconnu dans l’histoire de l’art comme le premier courant d’avant-garde du XXème siècle, il ne sera cependant actif que de 1904, qui en a vu les prémices à 1907.

“La fenêtre ouverte à Collioure”,  une huile sur toile de 1905, en pleine période fauviste, conservée à Washington à la National Gallery of Art.

L’ouverture sur le monde au travers cette fenêtre n’est pas ici l’objet, Matisse au contraire utilise cette fenêtre comme un prétexte pour contrarier toute perspective, les éléments s’étageant les uns sur les autres, dans une composition qui semble aplatie.

Nous sommes ici dans une débauche de tons purs, irréalistes, le peintre de la fenêtre de sa chambre à Collioure peint cette toile déclinée en trois espaces distincts :
Au premier plan nous avons les murs de sa chambre d’un bleu-vert d’un côté, rose de l’autre avec l’encadrement de la fenêtre.
Au second plan, le balcon entouré de végétation, un décor qui préfigure le troisième plan qui s’annonce, le port avec quelques bateaux, l’eau, le ciel. Nous avons avec ce troisième plan l’impression de voir un tableau dans le tableau .

On retrouve tout à la fois des inspirations encore issues du “Pointillisme” dont Matisse ne s’est pas encore totalement extrait. En revanche pour les espaces intérieurs on observe les aplats de couleurs monochromes. Pour le balcon, les plantes, le peintre trace des traits plus ou moins épais, assortis de taches .
Ce sont les ruptures de couleurs qui déterminent les formes, le dessin est absent, la couleur est ici le dessin, ces couleurs sont vives, éclatantes, elles s’entrechoquent . Matisse cherche absolument la vibration de la lumière.

“Femme au bord de l’eau, ou” La japonaise au bord de l’eau”, une huile sur toile de l’été 1905, créée à Collioure.

On y observe une japonaise en kimono au bord de l’eau, l’œuvre se trouve au MOMA, à New-York.
Derain et Matisse séjournent alors dans ce petit port des Pyrénées orientales, les deux artistes ont dix ans de différence, Matisse est le plus âgé, donc artistiquement plus mûr, toutefois une relation de franche émulation s’installe entre les deux artistes.

Cette toile est le résultat des recherches picturales de Matisse au cours de ce séjour à Collioure. Il expérimente en fait le néo-impressionnisme qu’il vient de découvrir, mouvement censé être le développement logique de l’impressionnisme. Toutefois ce mouvement nouveau se soucie davantage de la couleur et moins du mouvement et de la spontanéité.
Le principe en est ici la division systématique des tons que l’œil s’emploie ensuite à reconstituer pour y découvrir le sujet et le décor de la toile.
Il est admis que ce séjour des deux artistes en ce lieu serait à l’origine du nouveau mouvement artistique “Le fauvisme” dont l’acte de naissance serait l’année 1905.
Ainsi au salon d’automne de la même année à Paris, une salle est dédiée à Matisse et Derain et à d’autres artistes appelés ”Les avant-gardes”, cette salle sera ensuite nommée “La salle fauve”.

Il est vrai que l’ on décèle dans cette toile “La japonaise au bord de l’eau” Les caractéristiques du fauvisme, le principe des couleurs audacieuses est nouveau et bien présent, nous avons en effet des couleurs pures, vives.
Cette œuvre est une rupture avec l’art académique à la fois dans l’usage des lignes et le traitement de la couleur.
Matisse hésite ici entre la ligne et le point, visiblement le souhait de rompre avec “Le Pointillisme” est présent, nous avons aussi de larges aplats de couleur pour le pied ou les couleurs du kimono, des touches moins nettes pour les rochers au premier plan.
Les rochers sont ainsi formés par la couleur occupée dans l’espace, le vêtement de la japonaise doit sa forme au léger trait esquissé.

Le traitement de la couleur surprendra, de même que la technique préfigurant le fauvisme dont Matisse sera le chef de file, un mouvement qui s’éteindra vers 1910.

“Les toits de Collioure” 1905 par Henri Matisse. Oeuvre peinte depuis la fenêtre de sa chambre. Période “fauve”.

“La joie de vivre”, une huile sur toile de 1905, de grande taille, l’œuvre se trouve à la Fondation Barnes en Pennsylvanie.

Cette toile sera présentée au salon des indépendants de 1906. Les personnages seront inspirés “Des Baigneuses” de Cezanne.
Cette représentation sera mal reçue par la critique, “on va alors lui opposer que les couleurs n’ont rien à voir avec la réalité et aussi pour ses figures blanches et vides”.

Ce tableau sera d’abord acheté par Léo Stein et sera beaucoup vu dans ce contexte par Picasso, ce sera alors pour lui comme un défi, lui qui redoute les œuvres “Grand format”, cette toile de grande taille suscitera pour partie son œuvre: “Les demoiselles d’Avignon” datée de 1907, comme une façon de surpasser Matisse, en qui il voit en un rival.

                                                                                                  “Jeune fille lisant”, 1905.

Matisse a peint cette scène intime de sa fille, Marguerite, lisant dans une débauche de couleurs, ses cheveux sont peints avec presque autant de couleurs que les fruits au premier plan. Il fait cette œuvre durant l’été 1905 à Collioure, où il séjourne près de son ami André Derain. Il voulait “faire chanter les couleurs”.

 “Les Pivoines”, 1906, un artiste si créatif qui sublime les fleurs. Une leçon de modernité !

“La danse II” ou “La danse” est une huile sur toile, de grand format (260x391cm),peinte en 1910 sur commande du collectionneur russe,” Chtchoukine”, amateur de l’art français du début du XXème siècle.

Elle aurait servi à décorer la maison de l’intéressé avec un 2ème tableau “La musique” réalisé dans le même style par Matisse .

“La danse II”, dans cette version originale se trouve aujourd’hui au musée de l’ermitage à Saint Petersburg, elle fut ensuite reproduite plusieurs fois par Matisse sur plusieurs toiles comme élément de décor.

Ce sera l’une des œuvres les plus célèbres du peintre dans la pure tradition Fauviste.

                                                                                             “L’atelier rouge”, de 1911.

Il faut avoir à l’esprit la vie en 1911, on sort à peine du XIXe siècle marqué par l’austérité de l’époque victorienne. Les intérieurs sont chargés de tentures sombres, les femmes souvent vêtues de noir, aux robes touchant le sol. Matisse nous inonde de cette couleur éclatante.  MoMA de New York.

Vase d’iris, 1912

La fenêtre bleue, 1913, MOMA collection

                                                    “Les marocains en prière” une huile sur toile peinte entre 1915 et 1916.

Cette œuvre est conservée au Museum of Modern Art de New York. Elle fut peinte à Issy- les- Moulineaux. Matisse est en effet à cette époque installé avec sa famille dans cette ville, il profite du jardin, de la lumière. Matisse est fasciné par l’art oriental, découvert en 1903 lors de l’exposition sur l’art musulman.

En 1912,il fera deux séjours au Maroc avec son épouse il en remporte alors des céramiques, des tapis, mais surtout une envie démesurée de lumière et de bleu.

En 1914 ,la guerre est déclarée. En 1916,ses deux fils sont au front, il peint à cette époque cette toile. Son séjour au Maroc amènera Matisse, lui le chef de file du fauvisme, à faire évoluer son style il tente alors une nouvelle approche picturale, très proche du cubisme, telle cette œuvre “Marocains en prière”.

                                              “Mademoiselle Matisse en manteau écossais” durant le printemps 1918 à Nice.

Cherchant à échapper aux rigueurs de l’hiver du nord de la France, Henri Matisse s’installe à Nice à la fin de l’année 1917. Il écrit à Charles Camoin en mai de l’année suivante : “Ah ! Nice est un bel endroit ! “Quelle lumière douce et moelleuse malgré l’éclat !”

C’est le début d’un engouement pour le sud qui se poursuivra tout au long de sa vie.
Matisse s’installe alors à l’Hȏtel Beau-Rivage, proche de l’Opéra et du Cours Saleya, sa chambre offre une vue imprenable sur la mer et la Baie des anges.

“Femme au parapluie rouge assise de profil”, (Intérieur), 1919-1921, huile sur toile, 81 cm x  65cm. Collection privée.

Cette œuvre de Matisse a été vendue aux enchères Sotheby’s d’art impressionniste et moderne de la collection de John T. Dorrance Jr., à New-York le18 octobre 1989,  pour 12,4 millions de dollars, un record pour une œuvre de l’artiste. La peinture est une rhapsodie de lumière méditerranéenne. Le bleu de la mer joue avec les carreaux rouges et les volets turquoise de la chambre d’hôtel de luxe où Matisse a vécu et travaillé.

“Femme à sa fenêtre” une huile sur toile de 1920. Cette œuvre fait partie de la collection du Musée d’art moderne de Paris, situé au Centre Pompidou, cependant depuis mars 1972, cette toile se trouve en dépôt au musée de l’annonciade à Saint Tropez.

Dans ce tableau, une simple représentation d’une silhouette féminine esquissée, devant une fenêtre ouverte sur les bords de mer niçois, dans une pièce au tapis coloré où le rouge domine, des arabesques noires rythment l’uniformité de la couleur, la fenêtre est chargée de lourds rideaux, le jaune de ce qui ressemble à un peignoir fait écho à la couleur jaune de l’encadrement de la fenêtre et au fauteuil ocre.
La fenêtre ouverte offre une perspective sur la mer, sur de légers voiliers et sur le ciel aux tonalités de gris-bleu rappelant le revêtement intérieur des murs, ainsi que le sol non recouvert du tapis.
Il ressort de cette œuvre un aspect paisible, propice au rêve, à l’échappée avec cette fenêtre ouverte, une sorte de mélancolie est aussi présente me semble-t-il.

Pour resituer la vie de Matisse à cette époque il convient de préciser que dès le début des années 1920, le peintre s’installe à Nice, il s’invente dans cette ville un univers qui sera le sien pendant une dizaine d’années, à savoir : “Les odalisques” qui se prêteront à une scénographie faite d’accessoires, de tissus flamboyants, ainsi le peintre créera des intérieurs chargés en motifs, matière et objets, il peindra ses modèles nus ou habillés de vêtements rapportés notamment du Maroc où il voyagé.

Il convient aussi de rappeler qu’en 1920 Matisse a réalisé pour le ballet de Diaghilev ” Le chant du rossignol”, les décors et les costumes, ce sera alors sa première expérience décorative hors de la surface plane du tableau.

Une huile sur toile peinte à Nice en 1925, “Figure décorative sur fond ornemental”.
Cette toile est conservée au MNAM, Centre Pompidou à Paris.

Ce tableau met en valeur une femme assise sur un tapis, dans un décor très présent. Le tissu sera utilisé par Matisse plusieurs fois au gré de ses compositions, notamment pour les odalisques, un thème repris de nombreuses fois par le peintre.
Ici les couleurs organisent la toile, les contours sont soulignées d’une ligne noire, l’espace est saturé d’ornements de décoration, le tissu à médaillons renfermant des bouquets de fleurs, ajoute à cette saturation ornementale.
Cette toile sera exposée au salon des tuileries en juin 1926 et fera l’objet d’articles admiratifs. A noter qu’il s’agit de l’une des œuvres de Matisse les plus reproduites.
Cette toile sera l’œuvre charnière de la période niçoise commencée en 1919,pour se terminer en 1930.
En 1938, le peintre vendra le tableau à l’état français.

                                                “Le rêve”, une huile sur toile de 1935, peinte , au MNAM de Paris, Centre Pompidou.

Le modèle est ici une jeune femme d’origine russe, Lydia Delectorskaya qui posera quotidiennement pour Matisse.

Les années de 1930 à 1933 seront constituées de réflexion, de mise au point. La rencontre avec ce nouveau modèle va déclencher une vision différente et permettre de faire émerger chez le peintre une nouvelle séquence.

Pour Matisse le rapport au modèle est très important, il déclarera en 1939 : ” Les modèles, mes figures humaines ne sont jamais des figurantes dans un intérieur. Elles sont le thème principal de mon travail, je dépends absolument du modèle que j’observe en liberté, et c’est ensuite que je me décide pour lui fixer la pose qui correspond le plus à son naturel. Lorsque je prends un nouveau modèle, c’est dans son abandon au repos que je devine la pose qui lui convient et dont je me rends esclave. “

Ainsi la pose de la toile” Le rêve” apparait comme étant personnelle à Lydia Delectorskaya, dès le premier dessin que le peintre fera d’elle.

“Le rêve de 1935” est bien l’une des étapes qui amènera Matisse vers la Gouache découpée, mais c’est aussi une toile représentative de la volupté sublimée par sa construction en arabesques doucement imbriquées les unes dans les autres, par son harmonie de rose et de bleu, par le triangle du visage enveloppé par le plus grand triangle des bras et également par l’expression sereine du visage, une douceur diffuse qui semble répandue sur l’ensemble de la toile.

“Lydia Delectorskaya, le nu rose”, une huile sur toile commencée le 3 juin 1935, qu’il reprendra le 29 juin, ce tableau passera encore par au moins quatorze nouveaux états avant d’aboutir à sa version définitive, qui se trouve aujourd’hui au Museum of Art de Baltimore.

Pour illustrer également ce post, une photo de Lydia et Matisse et une photo de Lydia seule, devant une toile posée sur un chevalet.

Née à Tomsk en Russie en 1910, elle est issue d’une famille noble, elle fut très tôt orpheline. Lydia va fuir la révolution bolchevique, se diriger vers la ville chinoise de Harbin, servant d’accueil pour l’immigration russe, conclure un mariage hâtif à l’âge de 20 ans, déménager à Paris, puis divorcer.

Lydia Delectorskaya arrive à Nice en 1930, elle va alors occuper divers petits emplois, puis rencontrer Matisse en 1932, elle restera auprès du peintre 22 ans jusqu’à la mort de celui-ci en 1954.
Elle sera tout à la fois sa muse, son modèle privilégié, son assistante, sa secrétaire.
Matisse verra en Lydia, ce qu’il nommera “une princesse de glace”.
En 1938, congédiée par Madame Matisse, elle n’en demeure pas moins indispensable au peintre, notamment pour la logistique, le secrétariat, la manutention, l’intendance. Il est permis ici de dire que pour le moins une relation affective forte, une amitié liaient Matisse et Lydia.

Celle-ci démontrera aussi combien elle est utile, notamment dans le cadre de l’accrochage des tableaux pour les expositions, elle suivra aussi la préparation du Musée Matisse au Cateau-Cambrésis en 1952, le suivi de la réalisation des carreaux de céramique et des vitraux de la chapelle du Rosaire à Vence.
Après la mort du peintre en 1954, elle publiera deux ouvrages illustrant sa collaboration avec Matisse : “L’apparente facilité, Henri Matisse” , peintures de 1935-1936, édité en 1986 chez Adrien Maeght et dix ans plus tard, “Henri Matisse, contre vents et marées” : peintures et livres, portant des illustrations de 1935 à 1939, édité chez Hansma, à Paris.

Lydia Delectorskaya met fin à ses jours en 1998, à l’âge de 87 ans, la muse de Matisse est enterrée à Pavlovsk, près de Saint Petersbourg.

“Jeune fille avec tiare”, 1936.

“Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? – Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.”
Paul Verlaine

 

“La blouse roumaine”, une huile sur toile de 1940, Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, à Paris.

Le peintre travaillera sur cette toile du 5 octobre 1939 au 9avril 1940, soit pendant un peu plus de six mois.
Mais déjà dès 1936, ce type de blouses aux manches larges habillera son modèle, à cette époque, Lydia Delectorskaya.
On peut voir ces dessins à la plume dans les publications 3-5 des cahiers d’art, d’autres études plus ou moins liées à ce tableau seront réalisées en 1939.

Dès 1935, Matisse pour préparer son travail et pour suivre la progression de celui-ci utilisera la photographie. Ainsi pour cette toile et pour parvenir à la simplification souhaitée, il prendra onze photographies pour obtenir l’effacement du modèle au profit de cette blouse brodée, qui gonfle, prend une grande partie de l’espace, les détails disparaissent, les lignes sont simplifiées.
On sait que Matisse était très sensible aux tissus artisanaux notamment et à leurs variétés, il les utilisait d’ailleurs souvent en décors pour ces toiles, créant ainsi toute une scénographie.

“Femme au collier” de 1942. et Charles Baudelaire, “Les Fleurs du mal”, 1857

La très-chère était nue, et, connaissant mon coeur,
Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueur
Qu’ont dans leurs jours heureux les esclaves des Maures.

Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j’aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.

Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d’aise
A mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.

Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté,
D’un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses ;

Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,

S’avançaient, plus câlins que les Anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s’était assise.

Je croyais voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l’Antiope au buste d’un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun, le fard était superbe !

Et la lampe s’étant résignée à mourir,
Comme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu’il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d’ambre !

“Le clown”, juin 1943, papiers gouachés, découpés et collés sur papier marouflé. Cette œuvre se trouve au MNAM, Centre Pompidou.

Ce collage appartient avec celui appelé “Le lagon” à la maquette du livre “Jazz” publié en 1947, en collaboration avec l’éditeur d’origine grecque “Tériade. “

Le clown fut l’une des premières illustrations réalisées.

Vitrail de la nef de la chapelle du Rosaire, Vence, France, 1948-51

                    “Zulma”, 1950, une gouache sur papier découpé, l’œuvre se trouve à Copenhague, au Statens. Museum for Kunst.

Matisse illustre un nu dans un intérieur, un thème souvent reproduit dans de nombreuses peintures et sculptures antérieures de l’artiste , mais ici elle se résume à une simple silhouette colorée qui vient se dessiner sur l’espace défini par les couleurs autour du modèle, il en ressort un effet de
lumière et d’ombre.
Chaque élément a ainsi été matérialisé en plans de couleurs qui interagissent selon les principes utilisés par le peintre 45 ans auparavant dans “Le portrait de Madame Matisse.”

“La tristesse du roi”, créée en 1952, une gouache sur papier, découpée , collée sur papier et disposée en toile.
Ce tableau est conservé au musée d’art moderne de Paris (Centre Pompidou).On note la simplicité des formes, mais aussi l’exubérance des couleurs qui font de cette toile une satisfaisante représentation de l’art fauviste, en dépit d’une palette chromatique limitée. Nous sommes ici dans l’art abstrait.
Matisse veut semble t-il rattacher cette toile à un thème biblique, celui de Salomé dansant devant Herode.
Cette création évoque le thème de la vieillesse, ce sera le dernier auto-portrait de Matisse qui se représente en vieillard au centre du tableau, il est cette forme noire, constellée de fleurs jaunes, au milieu de plaisirs calmes, tels l’azur, les vagues, les diverses splendeurs offertes à l’œil.
Cette création sera considérée comme l’une des principales œuvres du peintre.
Le roi malgré tout est triste, de sa guitare s’échappe des pétales jaunes figurant des notes de musique joyeuses censées adoucir la vieillesse, l’odalisque verte représente l’Orient, la danseuse à droite se veut être un hommage au corps de la femme.
Cette œuvre réalisée deux ans avant la mort de Matisse est un aveu d’introspection et d’inquiétude du peintre devant la vieillesse.

Magnifique document, Henri Matisse réalisant ses fameux papiers découpés, assistée de Lydia Delectorskaya.

Le musée Matisse à Nice fut inauguré le 5 janvier 1963, les œuvres de Henri Matisse sont exposées au 1er étage de la villa,

L’histoire du musée est profondément lié au véritable attachement de ce peintre pour la ville de Nice dans laquelle il va réaliser la plus grande partie de son œuvre, lien par ailleurs confirmé par les donations successives de Henri Matisse à la ville, poursuivies par celles de ses héritiers.

Sur ce site, au XVII ème siècle, se trouvait à l’origine une modeste maison, au milieu de vestiges romains, appartenant à la famille des “Gubernatis” dont le chef fut consul de Nice. Leur héritier “Jean-Jérôme de Gubernatis”, président du Sénat de Nice décidera alors de construire une maison de maître, qu’il baptisera “Palais”, un édifice typique de l’architecture génoise.

En 1823, le conte de Cocconato rachète la propriété et parallèlement favorisera les fouilles dès 1865, lesquelles permettront de mettre à jour un quartier de la cité romaine de “Cemenelum”.

Cette bâtisse deviendra ensuite quelque temps une modeste “pension anglaise”.

La ville de Nice acheta cette villa en 1950, l’édifice portait alors le nom de “Villa Garin de Cocconato” ou encore “villa des arènes”, elle était proche de la résidence de Henri Matisse au Regina, l’idée fit donc son chemin d’utiliser cette propriété pour y présenter les œuvres si importantes de ce peintre.

En 1978, suite à la donation de Jean Matisse, la ville souhaite rénover la villa, notamment pour valoriser la mise en valeur des collections de la donation initiale de Madame Henri Matisse, mais la ville se heurte alors aux travaux de fouilles sur le site, ce qui va considérablement ralentir les travaux.

Le musée ne rouvrira ses portes qu’en 1993. On doit à l’architecte Jean-François Bodin sa rénovation et la création d’une nouvelle aile contemporaine.

En 2002, cette villa se dotera d’un atelier d’initiation artistique et en 2003 d’un cabinet de dessin dédié à la conservation ainsi qu’à la gestion des œuvres d’art graphique.

En 2013, un nouvel aménagement permettra de recevoir au niveau 2 la donation de la céramique “La piscine”.

Enfin en 2017, un redéploiement des collections va nécessiter la mise en place d’un nouveau parcours muséographique, imposant de nouveaux travaux de rénovation du musée et de son environnement.

À noter que le nouveau musée archéologique de Cimiez fut achevé en 1989 et installé sur un site romain proche du musée Matisse, permettant alors le déménagement des nombreux objets issus des découvertes archéologiques.

La ville de Nice acheta cette villa en 1950, l’édifice portait alors le nom de “Villa Garin de Cocconato” ou encore “villa des arènes”, elle était proche de la résidence de Henri Matisse au Regina, l’idée fit donc son chemin d’utiliser cette propriété pour y présenter les œuvres si importantes de ce peintre.

En 1978, suite à la donation de Jean Matisse, la ville souhaite rénover la villa, notamment pour valoriser la mise en valeur des collections de la donation initiale de Madame Henri Matisse, mais la ville se heurte alors aux travaux de fouilles sur le site, ce qui va considérablement ralentir les travaux.

Le musée ne rouvrira ses portes qu’en 1993. On doit à l’architecte Jean-François Bodin sa rénovation et la création d’une nouvelle aile contemporaine.

En 2002, cette villa se dotera d’un atelier d’initiation artistique et en 2003 d’un cabinet de dessin dédié à la conservation ainsi qu’à la gestion des œuvres d’art graphique.

En 2013, un nouvel aménagement permettra de recevoir au niveau 2 la donation de la céramique “La piscine”.

Enfin en 2017, un redéploiement des collections va nécessiter la mise en place d’un nouveau parcours muséographique, imposant de nouveaux travaux de rénovation du musée et de son environnement.

13 commentaires

  1. Sylvia

    Magnifique documentaire sur un des plus prolifique parmi les peintres français. Ses peintures sont très variées et après tes explications ,je comprends pourquoi. J’ aime beaucoup la période Collioure. Je suis toujours surprise avec Matisse, surtout quan je découvre une peinture que je ne connaissais pas.
    À revoir plusieurs fois, car c ‘est un documentaire très riche.

  2. Michel Caubet

    Bravo, très bel article qui m’apprend encore des choses que j’ignorais sur Matisse.
    Très bien illustré également de toiles et de poèmes qui résonnent avec l’œuvre peinte. Merci !

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