Pierre Bonnard, le “peintre du bonheur”.
Pierre Bonnard, le “peintre du bonheur”.

Pierre Bonnard, le “peintre du bonheur”.

Le peintre Pierre Bonnard naît en région parisienne à Fontenay aux Roses en 1867.

Parallèlement à des études de droit qui le conduiront à une brève carrière d’avocat en 1890, Bonnard suit des cours de dessin à l’académie Julian à Paris, c’est là qu’il rencontre Maurice Denis et Édouard Vuillard.

Dès 1888, cet artiste intègre à ses débuts l’aventure “Nabi”, un mouvement post-impressionniste, son admiration de l’œuvre “Talisman” de Paul Sérusier, l’amenant à ce moment à rejoindre ce courant.

Son deuxième choc artistique aura lieu en 1890, lors d’une exposition d’estampes japonaises, il va dès lors élargir la pratique de son art à la décoration de mobilier, ainsi qu’ aux panneaux décoratifs.
Il sera remarqué en 1891 lors de sa première participation au salon des indépendants, il abandonne à ce moment définitivement le droit pour se consacrer à la peinture et partagera dès lors un atelier avec M. Denis et E. Vuillard.

En 1895, il rencontre sa compagne, Marthe, qui deviendra son modèle, lui inspirant ses premiers nus.
Il rompt la même année avec les Nabis et poursuit son chemin avec le courant impressionniste.

“Au bord de la mer, sous les pins”, huile sur toile de 1921, collection particulière.

A l’époque de cette toile, Marthe. rencontrée en 1893, n’est toujours pas son épouse, mais sa compagne, sa muse, son modèle qu’il peindra de très nombreuses fois, il l’épousera en Août 1925.
Il est aussi au moment de la création de ce tableau, amoureux de Renée Monchaty, avec qui il passera une longue période de mars 1921 à Rome. Renée se suicidera à Paris, trois semaines après le mariage de Bonnard avec Marthe.

Si moderne ! Pierre Bonnard, “Nature morte aux citrons”, 1918.

Pierre Bonnard obtiendra de nombreuses commandes, dont celle des décors d’ “Ubu Roi”, d’Alfred Jarry, pour le théâtre de la rue blanche, décors qu’il réalisera avec Paul Sérusier, en 1896.
A la même époque il diversifie son art en achetant un “Pocket Kodak”, Il intégrera à ce moment la photographie à sa pratique artistique.

Pierre Bonnard, “Jeunes Femmes au jardin”, dit aussi “La nappe rayée”, 1921- 1923, repris et terminé en 1945-1946.

Le merveilleux peintre Nabis ne pouvait s’empêcher de retoucher ses toiles, même après les avoir achevées et parfois à l’insu des propriétaires des œuvres. Cette pratique s’appelle depuis “bonnardiser”.

Comme de nombreux peintres, Bonnard sera attiré par la lumière du midi, il tombe alors sous le charme de Saint Tropez, où il séjournera chez Henri Manguin en 1909.

Pendant ces années de maturité Pierre Bonnard va élargir son réseau d’amis, Signac, Mayol, et plus particulièrement Matisse avec qui il exposera chez Bernheim-Jeune en 1911, constitueront son cercle proche.

“Jardin” de Pierre Bonnard. Ce paysage d’environ 1935 pourrait représenter un coin du jardin bien-aimé de l’artiste au Cannet, sur la Côte d’Azur.

En 1912, Pierre Bonnard s’installe avec sa compagne à Vernon, il l’épouse en 1925, ces années seront marquées par des tourments personnels et une profonde crise de création.

Le peintre reste attaché au sud et en 1926, achète une propriété au Cannet, baignant dans la nature il privilégie néanmoins les représentations picturales basées sur le travail de mémoire.

“Femme debout dans sa baignoire” (1925), Pierre Bonnard, lithographie, ,30 x 20 cm, publiée par la Galerie des Peintres-Graveurs, Paris.

Le décès de sa compagne en 1942 , le plonge dans une profonde mélancolie qu’il combat en peignant dans un registre chromatique toujours plus lumineux et coloré, telle son oeuvre “L’amandier en fleurs”, qu’il termine peu avant sa mort en 1947.

Le peintre sera reconnu pour avoir illustré la modernité, cependant ce n’est qu’en 2011 qu’un musée au nom de cet artiste, sera ouvert au Cannet.

“Terrasse à Vernon”,1923,  Pierre Bonnard, huile sur toile, 120 x 105 cm. Vendue aux enchères chez Christie’s en 2011 pour 7 209 250  GBP.

Peinte en 1923, Terrasse à Vernon est une masterclass de coloriste, montrant la vue depuis Ma Roulotte, la demeure normande de Pierre Bonnard. Ce tableau fut l’un des trois seuls que Bonnard choisit pour être exposé au Salon d’Automne cette année-là et fut très bien accueilli.
Bonnard avait acheté sa maison de Vernonnet, baptisée Ma Roulotte, ou “Ma Caravane”, en 1912, et elle resta l’une des bases clés de ses campagnes de peinture jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, époque à laquelle il passa de plus en plus de temps dans le sud de la France au Cannet.
L’emplacement de la maison était également proche d’un autre grand maître, Claude Monet, à qui Bonnard rendait souvent visite. Les deux hommes avaient une grande admiration mutuelle.

Pierre Bonnard, “L’Automne”, 1912, sur un poème de Paul Verlaine.

Parmi la chaleur accablante
Dont nous torréfia l’été,
Voici se glisser, encor lente
Et timide, à la vérité,

Sur les eaux et parmi les feuilles,
Jusque dans ta rue, ô Paris,
La rue aride où tu t’endeuilles
De tels parfums jamais taris,

Pantin, Aubervilliers, prodige
De la Chimie et de ses jeux,
Voici venir la brise, dis-je,
La brise aux sursauts courageux…

La brise purificatrice
Des langueurs morbides d’antan,
La brise revendicatrice
Qui dit à la peste : va-t’en !

Et qui gourmande la paresse
Du poète et de l’ouvrier,
Qui les encourage et les presse…
“Vive la brise !” il faut crier “Vive la brise, enfin, d’automne
Après tous ces simouns d’enfer,
La bonne brise qui nous donne
Ce sain premier frisson d’hiver !”

                                                           Pierre Bonnard, “Coucher de soleil, bord de rivière”, 1917.
J’admire Bonnard car je trouve qu’il ne cherchait tellement pas à être dans l’ère du temps, peut importe le cubisme, le surréalisme, l’influence des arts premiers ou de l’abstraction, il avançait dans son propre chemin, dans son aventure intime avec l’art. Résultat, ses œuvres sont intemporelles, comme cette peinture qui pourrait avoir été faite aujourd’hui.

                                                                            Pierre Bonnard, “L’escalier du Jardin”, 1940.

Pendant longtemps, il n’était pas de bon ton d’aimer les œuvres ultra colorées de Pierre Bonnard (1867-1947).

A 24 ans Bonnard disait d’être d’aucune école, et construisait son œuvre hors des grands courants. Certes, il s’est rallié un temps aux Nabis (“prophètes” en hébreu), un mouvement qui cherchait à recréer une forme d’art sacré avec des toiles très colorées et presque abstraites. Mais ce fut pour mieux s’isoler par la suite.

Géographiquement d’abord : Pierre Bonnard réalise l’essentiel de ses peintures en Normandie, puis au Cannet, sur la Côte d’Azur, loin de l’agitation parisienne.

Artistiquement, ensuite : il n’a pas emboîté le pas des grands mouvements de son temps, le cubisme, le surréalisme… provoquant le dédain de quelques contemporains, comme Picasso qui eut des mots particulièrement durs contre les “sensibleries” de Bonnard.

                                                  Pierre Bonnard, “La nappe à carreaux rouges ou “Le déjeuner au chien”, 1910.

Bonnard a gardé de son époque Nabis cette incroyable utilisation des motifs décoratifs ou des tissus, il s’en sert pour structurer ses œuvres. Il les inclut comme des collages, plaqués sur son œuvre, sans aucune volonté de créer une perspective ou une réalité.
Un chef d’œuvre de construction. Rien n’est symétrique, ni droit et pourtant tout n’est qu’équilibre.

On ressent l’attente du chien, on imagine son regard qui essaie d’attraper celui de la femme, et pourtant Bonnard n’a pas besoin de peindre le détail des yeux. C’est en cela qu’il est fabuleux, il donne une impulsion et le spectateur poursuit son œuvre.

Pierre Bonnard, “Intérieur aux fleurs” 1919.

Pierre Bonnard, “L’armoire blanche”, 1931.

Bonnard nous éclabousse de sa lumière. Aucune photo ne peut rendre cette intensité. l’équilibre, la perfection alors que chaque élément est biscornu, tordu, bancal.

Dans “L’Atelier au mimosa”, Pierre Bonnard nous offre une vue luxuriante depuis la mezzanine de sa petite maison aux murs roses dans le Sud de la France.

Le peintre donne ici une étonnante impression d’espace à son atelier, en réalité très exigu. Aussi éblouissant qu’un soleil dans le froid de l’hiver, le mimosa en fleurs irradie l’ensemble de la composition !

Pierre Bonnard, “Le jardin”, vers 1936, huile sur toile, 127 x 100 cm, achat à l’artiste en 1937, domaine public, Musée d’Art Moderne de Paris.

Pierre Bonnard affirme son originalité au cours des années 1920. S’éloignant des formules décoratives d’avant-guerre – entre évocation et découverte à rebours de l’analyse impressionniste de Monet et de Renoir, il privilégie les accords audacieux de couleur et de lumière dans une nouvelle rigueur et sophistication des compositions (salles à manger et intérieurs, terrasses panoramiques et scènes dans la salle de bain).

En 1926, Bonnard et son épouse acquièrent la villa « Le Bosquet » au Cannet, y adjoignant bientôt un nouveau jardin, qui devient le lieu récurrent du huis clos entre l’artiste et son modèle à travers les rituels du quotidien.

L’artiste se met à l’écart du motif pour peindre d’après les notes dessinées sur le vif ou de mémoire, grâce parfois à la vision indirecte d’un miroir qui autorise des distorsions inattendues de l’espace et amortit les diffractions colorées. Il travaille debout, la toile directement punaisée sur le mur de l’atelier.

“Nu à contre-jour”, 1908,Pierre Bonnard, huile sur toile, 124,5 x 109 cm, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles.

 C’est sa superbe femme, Marthe, qui a servi de modèle à Bonnard, pour tous ses portraits et nus.

Et Maintenant aux fesses

Et maintenant, aux Fesses !
Déesses de déesses,
Chair de chair, beau de beau.
Seul beau qui nous pénètre
Avec les seins, peut-être.
D’émoi toujours nouveau,
Pulpe dive, alme peau !

Elles sont presques ovales,
Presque rondes. Opales,
Ambres, roses (très peu)
S’y fondent, s’y confondent
En blanc mat que répondent
Les noirs, roses par jeu,
De la raie au milieu.

Déesses de déesses !
Du repos en liesses,
De la calme gaîté,
De malines fossettes
Ainsi que des risettes,
Quelque perversité
Dans que de majesté… !

Et quand l’heure est sonnée
D’unir ma destinée
A Son Destin fêté,
Je puis aller sans crainte
Et bien tenter l’étreinte
Devers l’autre côté :
Leur concours m’est prêté.

Je me dresse et je presse
Et l’une et l’autre fesse
Dans mes heureuses mains.
Toute leur ardeur donne,
Leur vigueur est la bonne
Pour aider aux hymens
Des soirs aux lendemains…

Paul Verlaine ( “Et maintenant aux fesses” -extrait)

“La salle à manger” 1930-31

“Jeunes filles à la mouette” 1901, Pierre Bonnard (1867-1947)

Maison parmi les arbres (1918), Pierre Bonnard (1868-1947), Vernon, 

Pierre Bonnard, “Jeune fille étendue”, 1921, huile sur toile, 56 x61 cm.

Pierre Bonnard, “Paysage du midi et deux enfants”, 1916–1918
Dans ses peintures Pierre Bonnard donne aux objets une valeur humaine et reproduit les choses telles que l’œil les voit. Sa vision rappelle celle des Primitifs. Il n’a pas son pareil pour combiner formes et couleurs et répondre aux exigences de l’émotion. Il offre au regard le sentiment de la vie.

                                                                                                    “Toilette”, vers 1908.
Bonnard choisit une composition sophistiquée pour mettre en scène Marthe, sa compagne et modèle exclusif, représentée ici à la fois de dos et de face grâce au reflet du miroir. L’importance du décor ainsi que la présence d’éléments tronqués ou déformés, tels le guéridon sur lequel est posé un broc, poussent la composition vers une abstraction décorative caractéristique de cette période de la création de Bonnard. Retouché par l’artiste entre 1914 et 1921, le tableau s’inscrit dans une période de doute et de remise en question, après la déferlante cubiste, Bonnard reprend les bases de la peinture.
Bonnard ne pouvait s’empêcher de retoucher ses œuvres, se baladant avec une boite de couleurs dans sa poche, y compris dans les musées. Bonnardiser ou bonnarder sont entrés dans le langage courant signifiant retoucher une œuvre d’art qu’on a créée, y compris à l’insu de ses nouveaux propriétaires.

                                                                                             “Partie de croquet”, 1892.
Chez Bonnard, ce qui est merveilleux et qui trouble notre regard, c’est qu’il n’y a pas de hiérarchie dans les éléments de la composition, notre regard va et vient de l’un a l’autre, le sujet devient accessoire, le propos est la composition. Trouver l’équilibre des valeurs. Cette peinture est un chef-d’œuvre de la période Nabis de Bonnard qui n’hésite pas à inclure des motifs “décoratifs” dans ses compositions faisant fi d’une représentation du réel. Ici les vêtements deviennent prétextes à des inclusions de carreaux et damiers.
Le groupe des Nabis – nabi signifie prophète en hébreu – réunit Paul Sérusier (1864-1927), Pierre Bonnard (1867-1947), Maurice Denis (1870-1943), Henri-Gabriel Ibels (1867-1936), Paul-Elie Ranson (1861-1909), Édouard Vuillard (1868-1940), Félix Vallotton (1865-1925), Mogens Ballin (1872-1914)…

“Fenêtre ouverte”, soleil de la Côte d’Azur par Pierre Bonnard, 1921. Éblouissant !
Quelle fantastique composition avec ce store noir qui répond au petit chat et aux verticales… Tout ne semble être qu’un assemblage de formes géométriques qui créent un équilibre parfait. La disposition des éléments qui encadrent l’ouverture de la fenêtre dirigent le regard vers cet arbre voluptueux.

“Femme avec chien”, 1891.
En 1890, Pierre Bonnard partage un atelier avec Vuillard et Maurice Denis. C’est alors qu’il commence à faire des lithographies en couleurs. L’année suivante, 1891, il rencontre Henri de Toulouse-Lautrec et présente sa première exposition au Salon des Indépendants et dans les premières expositions des Nabis. Il expose avec les Nabis jusqu’à leur dissolution en 1900.

Pierre Bonnard, “Le petit déjeuner”, 1917.

Nu dans un intérieur (1935) – Pierre Bonnard, huile sur toile,134 x 69,2 cm. Collection de M. et Mme. Paul Melon, galerie nationale d’art, Washington, États-Unis.

21 commentaires

  1. Benoît

    J’espère que ma peinture tiendra, sans craquelures. Je voudrais arriver devant les jeunes peintres de l’an 2000 avec des ailes de papillon” Pierre Bonnard. Merci de nous faire virvolter!

    1. Daniel K.

      La légèreté dans le pinceau, les couleurs qui brillent et font des effets de réalités… et des corps de femmes nues, qu’elles beautés réalisées…par ce peintre de génie
      Merci Véronique, comme à ton habitude, tu nous offres des merveilles..
      Bise ma chère amie..🙏🦋

  2. Daniel K.

    La légèreté dans le pinceau, les couleurs qui brillent et font des effets de réalités… et des corps de femmes nues, quelles beautés réalisées…par ce peintre de génie
    Merci Véronique, comme à ton habitude, tu nous offres des merveilles..
    Bise ma chère amie..🙏🦋

    1. Sylvia

      Très beau documentaire comme d’habitude. L’œuvre de Bonnard est très riche. J’ignorais les détails sur sa vie et la liaison avec son modèle, Martha. Merci de m’apprendre tant de choses. Il a peint, également des chats.
      Félicitations ma chère amie.

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