La créativité artistique aborigène n’a pas d’âge, Salli GABORI.
La créativité artistique aborigène n’a pas d’âge, Salli GABORI.

La créativité artistique aborigène n’a pas d’âge, Salli GABORI.

Mirdidingkingathi Juwarnda Sally Gabori est née vers 1924 sur l’île Bentinck, dans le nord de l’Australie. Elle appartient au peuple kaiadilt. Ayant dû quitter son île natale à la suite d’un cyclone en 1948, elle n’a jamais pu retourner y habiter.

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Sally Gabori est une artiste aborigène contemporaine qui a produit une œuvre profondément originale et lumineuse. Elle commence à peindre en 2005 à l’âge de 80 ans.

Elle est aujourd’hui considérée comme l’une des plus grandes artistes contemporaines australiennes.

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Elle fait preuve d’une grande créativité sans limite et nous impreigne de l’horizon lyrique qu’elle a conservé de l’île de Mornington où elle a grandi. Entre combinaison de couleurs chatoyantes, formes presque aléatoires et variation des formats, Sally Gabori puise dans ses racines, dans son golfe de Carpentaria pour nourrir ses toiles de ces variations infinies de lumières, symboles de sa terre natale.

Si certains sont convaincus qu’une vie entière consacrée à la peinture est nécessaire pour parvenir au sommet de son art, voilà une plasticienne qui nous prouve joyeusement le contraire. Ses aplats de couleurs, apposés sur des toiles lumineuses et éclatantes de mélancolie, pourraient laisser penser une pratique de longue date, aux cimes de l’inné, de la vocation. Pourtant, ce n’est qu’au lendemain de sa 80e année que Sally Gabori se saisit pour la première fois d’un pinceau, qu’elle ne posera plus jamais jusqu’à sa disparition en 2015. 

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En 2022, ses œuvres ont été exposées pour la première fois à la fondation Cartier à Paris, cette exposition est une véritable traversée au cœur de l’île Bentinck. Chaque œuvre représente un lieu unique qui évoque un membre de la communauté des kaiadilt ou la beauté naturelle de l’île. Ainsi, on découvre Thundi situé au nord, Nyinyilki sur la côte sud-est, mais aussi Dibirdibi l’ancêtre fondateur de l’île. Dans ses peintures, trois éléments sont omniprésents : la terre, la mer et le ciel. Chaque toile est inspirée des variations infinies de la lumière sur le paysage que suscite le climat violemment contrasté du golfe de Carpentarie. De sa patte exceptionnelle qui lie combinaison de couleurs, jeu de formes, superpositions de surfaces et variations de formats, on ne peut être indifférent face aux histoires qui prennent vie devant nos yeux.

Sweers island, Fondation Cartier, 2022

Dibirdibi Country, 2008, National Gallery of Victoria.

Sally Gabori, Mornington Island Arts and Crafts Centre, 2008-2012. (© The Estate of Sally Gabori. Photo © Inge Cooper)

Pendant une décennie (2005-2015) de pratique intense, Salli Gabori élabore une œuvre profondément personnelle, parfois sur des formats exceptionnellement grands (jusqu’à six mètres). Elle laissa toujours libre court à son coup de pinceau et à la traduction picturale de ses souvenirs, mais ses oeuvres célèbrent sa terre natale et son appartenance au peuple kaiadilt.

Thundi, 2010, Private collection, Melbourne, Australia (© The Estate of Sally Gabori.Photo © Simon Strong)

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Extrait de « Sweers Island » 2008. Le rouge des plages calcaires

Ses peintures monumentales et très colorées, en apparence abstraites, sont des références topographiques et des récits qui racontent son histoire, et célèbrent ses ancêtres

On est happé par la combinaison des couleurs et la composition des tableaux. Nul besoin de parler kaiadilt pour être ému par cette artiste si originale. Une façon de voir le monde.

All the Fish (Tous les poissons), 2005, peinture polymère synthétique sur toile, 190 x 424,5 cm, National Gallery of Victoria, Melbourne © The Estate of Sally Gabori / Adagp, Paris, 2022

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My Country (Mon pays), 2007, peinture polymère synthétique sur toile, 152 x 100,5 cm, National Gallery of Victoria, Melbourne © The Estate of Sally Gabori / Adagp, Paris, 2022

Sally Gabori imagine “des formes, des motifs, des textures, des couleurs et des rythmes qui correspondent à la manière dont elle a appris à voir le monde et à lui donner un sens”, explique Judith Ryan, conservatrice spécialiste de l’art aborigène. Car ce que l’artiste traduit dans son art, c’est bien son pays natal, sa terre, sa mer et son ciel, ou la perception qu’elle en a, les émotions que ce lieu perdu suscitent en elle.

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Rockcod Story Place (Lieu de l’histoire de la morue), 2006, peinture polymère synthétique sur toile, 104,2 x 76,7 cm, National Gallery of Victoria, Melbourne © The Estate of Sally Gabori / Adagp, Paris, 2022

« My Father’s Country » 100x151cm 2009 Provenance:(Mornington Island)

L’anthropologue et linguiste Nicholas Evans qui l’a côtoyée pendant près de 25 ans souligne : “Elle est animée d’un soudain élan de créativité artistique qui semble ne venir de nulle part”. Poussée par une énergie, un souffle incroyable, elle est extrêmement prolifique. Au début, elle peut produire 14 petites toiles en une matinée, puis son rythme se ralentit quand elle passe à des formats beaucoup plus grands mais on estime que, en dix ans, avant sa mort en 2015, elle a produit plus de 2 000 œuvres.

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Extrait de « Sweers Island » (Les pièges à poisson), 2008

Salli Gabori avec une de ses œuvres monumentales, Dibirdibi Country, 2009

Dès 2005, une première exposition personnelle a lieu dans une galerie de Brisbane, puis l’année d’après elle est exposée dans un musée, le Queensland Art Gallery, à Brisbane également. Elle a reçu des commandes d’une peinture murale pour la cour suprême du Queensland en 2011, de l’aéroport de Brisbane en 2014, elle a été invitée à la Biennale de Venise en 2013. Elle a été exposée aussi au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Ses peintures sont présentes aujourd’hui dans les collections publiques australiennes, ainsi qu’en France, au musée du Quai Branly.

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Extrait de “Sweers Island”, 2008, (Le bleu de la mer indépassable)

Ninjilki, 2008, peinture polymère synthétique sur toile, 198,8 x 460,6 cm, National Gallery of Victoria, Melbourne © The Estate of Sally Gabori / Adagp, Paris, 2022

Sally Gabori parmi ses « co-peintres » est la deuxième à partir de la droite

En 9 ans, cette grande artiste peint plus de 2 000 toiles, notamment plusieurs œuvres collaboratives, peintes avec ses sœurs, ses filles et ses nièces, dont 3 sont présentées dans l’exposition de la Fondation Cartier. Pour ces femmes qui sont nées sur Bentinck avant l’exode et qui sont les ultimes locutrices de la langue kayardilt, ces tableaux sont une manière de témoigner de leurs racines.

Mon pays, 2016

Dibirdibi country, 2012

16 commentaires

  1. Ludovic Mouque

    Hallucinant! Avoir gardé en elle tout cela jusqu’à 80 ans…Merci Véro de m’avoir fait connaître cette artiste sûrement unique en son genre, et issue d’un peuple encore bien méprisé qui a connu et connait encore les ravages de la civilisation, de l’alcoolisme et des ghettos…Une belle leçon d’espoir et de vie!

      1. Silvia

        Extraordinaire travail artistique, quantitatif et comme palette de couleurs. C’est rare une telle intensité de passion, dans les dernières années de sa vie. Je reconnais en elle la formidable force des femmes.
        Merci pour cette découverte.

  2. celestine

    Je découvre une femme extraordinaire, qui possède naturellement le don de faire vibrer ses œuvres uniques aux couleurs si fortes . Ces couleurs me touchent «  droit au cœur » C’est une immense Coloriste . Elle exprime une incroyable universalité humaine , tout est là, la vie, la terre, l’homme et ses racines, la mémoire, le charisme.
    Merci de cette découverte . Bravo Véronique

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