Nicolas de Staël, la peinture à mille vibrations.
Nicolas de Staël, la peinture à mille vibrations.

Nicolas de Staël, la peinture à mille vibrations.

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Une rencontre avec Nicolas de Staël (1914-1955) s’apparente à une plongée, parfois bouleversante, dans la couleur et la lumière. Oscillant entre abstraction et figuration, ce peintre funambule sans cesse en mouvement demeure un des artistes les plus singuliers du début du XXème siècle.

Né à Saint-Pétersbourg dans une famille de militaires russes proche du tsar, sa carrière aura la fulgurance d’un météore, dont la course se terminera à Antibes, où il se suicidera à l’âge de 41 ans. Cette fin tragique occulte quelque peu la figure d’un artiste en constant questionnement, inspiré par la couleur et la lumière, fiévreux d’écriture comme de peinture. Une vie de romantique au XXe siècle.


La lune,1953

Agrigente, 1954, huile sur toile, 60 x 81 cm, collection privée / Courtesy Applicat-Prazan, Paris © ADAGP, Paris, 2023 / Photo Annik Wetter

Femme assise, 1953, huile sur toile, 114 x 162 cm, collection particulière

Marine la nuit, 1954, huile sur toile, 89 x 130 cm, collection particulière

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                                                                                                       De la danse, 1946

Cette composition en gris, de nature abstraite, conclut une période difficile pour Nicolas de Staël. Le peintre vient en effet de perdre son épouse, et se remarie presque aussitôt, superposant son deuil à un nouveau bonheur conjugal. Composée d’une association de teintes rouge brique et bleu-gris, De la danse demeure une œuvre noire, marquée par une gestualité brutale. Bien qu’elle soit non figurative, certains historiens (dont Jean-Louis Prat) ont souligné la dimension classique de cette œuvre. En effet, De Staël n’a jamais été un abstrait conventionnel. Passionné d’art et de littérature, il n’a jamais abandonné le sujet pour la forme.

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                                                                                                    Les Toits, 1952

Il s’agit de l’une des peintures majeures de l’année 1952. Exposée à Londres, elle a dérouté la critique. L’œuvre se caractérise par sa monumentalité, et se compose de deux parties : un registre supérieur tout en modulations de blanc et de gris, et un registre inférieur qui évoque les tesselles d’une mosaïque. Une ligne, qui s’apparente à l’horizon, délimite les deux parties. Bien que non figurative, cette huile a été premièrement interprétée par le peintre comme un paysage, et plus particulièrement un ciel de Dieppe, avant de prendre le titre les Toits. Quoiqu’il en soit de l’exactitude du sujet, il s’agit bien d’une évocation les liens entre terre et ciel, entre ciel et mer.

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Arbre rouge, 1953, huile sur toile, 46 x 61 cm, collection privée

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Fugue, 1951-1952,huile sur toile

                                                   Agrigente, 1954, huile sur toile, 73 x 82 cm, collection particulière.
Le voyage en Sicile, à la fin de l’été 1953, agit comme un catalyseur des recherches plastiques de Staël. La lumière intense du Midi qu’il traque depuis quelques mois surgit alors dans ses tableaux en couleurs violentes. Les motifs dilués comme les teintes irréalistes s’y soumettent à une vision intériorisée du paysage.

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Marseille, 1954, huile sur toile, 80,5 x 60 cm

Composition grise, 1949, huile sur toile, 81,1 x 100 cm, Fondation Gandur pour l’Art Genève © Fondation Gandur pour l’Art, Genève /Photo SandraPointet ©

Huile sur carton, 1952, 38 x 55 cm, collection particulière © Versailles Enchères / photo François Mallet

Vue d’Agrigente, 1954, peint à Ménerbes, huile sur toile, 114 x 146 cm, musée de Grenoble © Ville de Grenoble / Musée de Grenoble / photo J.-L. Lacroix © ADAGP, Paris 2023

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Composition, 1946, Lavis d’encre de Chine sur papier

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Encre de chine sur papier, 1949, 32,6 x 25,3 cm, Collection particulière

Écorché de l’art moderne, travailleur acharné au service d’une sensibilité abstraite, Nicolas de Staël (1913–1955) est sans doute l’un des peintres les plus mystérieux du XXe siècle.

“Je peins le plus souvent sans concept, sans écriture conceptuelle. Je ne peux avancer que d’accident en accident. »

                                            Portrait de Jeannine, 1941. On peut y trouver les influences du Greco et de Picasso.

Nicolas de Staël met du temps à trouver sa vocation. L’art l’intéresse, le fascine, en particulier la peinture flamande. En 1933, il s’inscrit à l’École des beaux-arts de Bruxelles et découvre la peinture abstraite. À cette époque, elle fait encore figure d’avant-garde, l’époque étant dominée par un retour au réalisme social. De Staël cultive une passion pour les grands peintres modernes, Cézanne et Braque en particulier.

                                                                                             Nu bleu couché, 1954

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, il voyage du Maroc à l’Italie, en passant par Paris où il s’installe avec sa compagne, Jeannine Guillou, peintre comme lui. Ce sont des années de travail acharné et de rage créatrice, l’artiste détruisant fréquemment ses œuvres.

Engagé dans la Légion étrangère puis brièvement mobilisé pendant la guerre, Nicolas de Staël retrouve la peinture en 1940. Il s’installe à Nice avec Jeannine, déjà malade.

Le couple fait la connaissance de nombreux artistes dont Jean Arp et les Delaunay. Sa peinture prend à cette période une orientation plus abstraite. Les temps sont durs pour Nicolas et Jeannine, qui accueillent la naissance d’une petite fille, puis d’un fils.

                                                                   Parc des Princes, 1952 huile sur toile, séries les Footballeurs.

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L’inspiration est venue à Nicolas de Staël à l’occasion d’un match de football au Parc des Princes en mars 1952. Il débute alors une série consacrée à ce thème sportif composée d’une quinzaine de toiles. Celle-ci est la plus ambitieuse.

Extrêmement productif, il peint notamment la série des Footballeurs, une toile qui renoue avec la figuration tout en conservant des qualités non figuratives.

Dessins, 1953-54

Sous l’Occupation, Nicolas de Staël gagne Paris. Il peut compter sur le soutien de la galeriste Jeanne Bucher, qui croit en son talent et l’expose. Son style personnel s’affirme. Camaïeux de gris, écriture serrée, forts empâtements : De Staël se distingue parmi ses contemporains. Jeannine s’éteint, et le peintre se remarie dans la foulée (trois autres enfants naîtront de cette union).

Indépendant de nature, De Staël reste étranger aux Salons de son temps. C’est un sauvage, dont Georges Braque, qui aime sa peinture, est l’ami le plus proche. L’artiste commence seulement à vendre régulièrement ses œuvres, et les critiques s’intéressent à ce tempérament singulier.

En 1948, le peintre est naturalisé français. Comme un retour au calme après des années traumatisantes, sa peinture s’éclaircit.

Il entre dans la lumière comme une renaissance. Elle sera brève. Dans les années 1950, l’artiste expose, explore de nouvelles techniques comme l’encre de Chine.
De Staël devient à la mode. Il entre dans les collections américaines.

Installé dans le Midi, attiré par la couleur et la lumière, amoureux d’une nouvelle femme, le peintre entame les dernières années de sa vie.

Bien que son œuvre connaisse le succès, il sombre dans le désespoir et se suicide en 1955, laissant une œuvre encensée à travers le monde.

                                                         Le Concert, 1955, huile sur toile, 350 x 600 cm, Antibes, Musée Picasso

Le 16 mars 1955, Nicolas de Staël écrit à son marchand Jacques Dubourg : « Je n’ai pas la force de parachever mes tableaux ». Après avoir rédigé cette lettre, l’artiste russe se jette dans le vide, âgé de quarante-et-un ans, laissant inachevé Le Concert dans le fort d’Antibes. Deux formes massives – un piano noir et l’ocre piriforme d’une contrebasse – séparées par le silence d’un orchestre de pupitres et de partitions, vidé de ses musiciens. Nicolas de Staël réalise son ultime chef-d’œuvre en trois jours, seul face à la Méditerranée : une mer vermeille, immense, d’un rouge brûlant à l’image de la passion qui le consume. Avant de mettre fin à ses jours, le peintre abandonne un dernier feu créateur, un dernier rugissement de désespoir.

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